L'Attention Consciente"La Danse de l'Instant "...

La Théière

La théière fumait...

Elle n'avait jamais cessé de fumer. Elle avait toujours été là, fidèle à son service. Toujours prête à recevoir et à donner. Il l'avait toujours vu mais c'était la première fois qu'il la voyait.

Il ne pouvait plus la quitter des yeux, il était fasciné par cette simple théière comme si elle avait surgi devant lui de nulle part...

Plus aucune pensée ne l'habitait, seule restait la contemplation de cet objet qui lui avait toujours été familier et auquel il n'avait jamais prêté une attention particulière.

Ce n'était même plus un objet, un ustensile usuel, c'était devenu quelque chose de neuf, de nouveau, d'inattendu... une surprise!

L'ordinaire s'était transformé en extraordinaire dans ce seul regard, dans cette seule attention. C'était un sentiment étrange dont il ne pouvait rien dire ni penser.

Un silence, une parenthèse, une ouverture dans le temps.

Il ne savait plus rien. En même temps concentré et flottant. La théière emplissait tout l'espace et l'englobait lui-même.

Tout devenait cette théière, il devenait cette théière lui-même, lui-même n'étant plus lui-même mais cette théière. Il était théière!

Il sentait ses parois comme son corps propre, son bec, son couvercle, son anse, ses profondeurs intérieures, le liquide fumant et odorant caressant ses flancs rebondis, ses vapeurs s'échappant par son bec, la condensation se formant sous son couvercle, sa chaleur intérieure qui rayonnait autour de lui.

Il eut même l'impression de sentir des mains le saisir, l'incliner, de sentir le thé s'écoulant par son bec, d'entendre le chant de l'eau dans son goulot ouvert et en réponse celui de la tasse offerte.

Il devenait aussi cette tasse se remplissant, lui théière se vidant, il devenait la cuillère, la table, la main le saisissant, la bouche approchant ses lèvres le goûtant, la langue, les papilles, la gorge, l'oesophage, l'estomac, ce parcours...

Il entrait à l'intérieur de toutes choses, devenait toutes choses, découvrait toutes choses, connaissant toutes choses, toutes choses lui-même, lui-même toutes choses!...

Rien n'échappait à ce phénomène, il était ce phénomène se déroulant... Il rejoignit le soleil, les étoiles, elles étaient en lui, tout contenu en lui, en cette expansion formidable!...

Il n'était plus que Conscience, que Présence, tout était reconnu en lui, en cela qu'il ne pouvait plus nommer lui-même, car rien ne l'en séparait, ne l'en distinguait.

Il su qu'il avait toujours été cela, que cela avait toujours été ainsi et le serait à jamais, que rien d'autre que cela n'est, que rien n'est autre que Cela.

Il le reconnut comme une évidence cachée qui se révélait, qui se reconnaissait elle-même. Il était toute reconnaissance, toute gratitude, toute adhésion, toute conscience, toute vie, tout amour.

Il n'était plus. Cela était. Seul Cela était.

Il fut retourné au plus intime de lui. Il refit le chemin à l'envers, comme une seconde naissance, comme un nouvel accouchement. Il redécouvrit la tasse à ses lèvres, sa main, et la théière qui fumait sur la table.

Elle n'avait jamais cessé de fumer. Elle avait toujours été là, fidèle à son service. Toujours prête à recevoir, et à donner. Il sentit un sourire sur sa face rayonner. La théière lui rendit son sourire.

... Pour la première fois, il but son thé...

om-gif 

Retour Contes

 

satsang charles coutarel