ANA EIS
Ana Eis, "Je Suis". Je réponds au nom de Selrach, j'ai appris l'art du scribe, je consigne sur des tablettes d'argile, je conte, narre et témoigne en ces écritures sacrées, en ces hiéroglyphes, en ces alignements de signes venus de la très haute antiquité, des colonnes de l'ancienne Egypte aux menhirs des Cieux celtiques, un seul nom résonne, Karnak! Carnac...
Ces chemins tracés, ces portes ouvertes, ces routes de Compostelle, de la terre vers le ciel, cette route des étoiles, cette voie lactée, ces temples offerts, comme ici, en ce cercle rouge, ces arts croisés, ces sculptures humaines, pour nous rappeler notre éternité au travers de ce passage temporel, et parfois ô combien éphémère!
Ces sculptures qui dansent tanguent et s'érigent, comme ces esprits qui se tendent, se transcendent, matières en équilibre dans le sein sacré du vide où nous sommes, en cet espace infini que nous tentons, graciles et fragiles, agiles s'il se peut, de définir, de circonscrire, de consacrer...
Quelques incrustations de nacre, de pierre, de verre, de chairs, de sons, de voix, de larmes, de métal dans les veines du néant, du non temps. Sève savoureuse, sève amoureuse, qui se concrétise en arbre de vie et s'ordonne en temps, pour le plaisir de se regarder défiler, de se mirer un instant défilant comme des étoiles filantes au firmament, filles et fils amants d'une grande déesse mère, filles et fils aimants, incandescents !
Ana Eis, Je Suis, et ne m'en veuillez pas d'invoquer, de vous rappeler à une réalité plus réelle que le rêve ténu et têtu dans lequel nous nous agitons...
Le but ultime du voyage ne sera jamais d'arriver au jardin d'Eden, quelque part caché au bout d'un long et pénible chemin. Le but ultime du pèlerinage est simplement d'être là, vraiment, réellement là. A l'endroit exact où nous sommes se révèle, à qui sait entendre et saisir, ce Paradis perdu, oublié dans nos attentes imaginaires d'un monde meilleur.
Il est là, tel un joyau, telle une perle rare enfouie en chacun de nous, sous la gangue de nos concrétions, de nos sécrétions de chairs et d'eaux, sous le voile de nos illusions gonflé, soufflé à l'infini par les vents, tumultueux ou malicieux de nos pensées, de nos vouloirs qui jouent comme des vagues capricieuses sur l'Océan immense, qui se rit, comme une mère tranquille, des jeux espiègles de ses enfants innombrables, qui, insouciants s'éclaboussent dans l'eau pure de la Source inépuisable de Vie...
Ana Eis, Je Suis, Nous Sommes, Vivants, tellement vivants, au-delà de nos vies propres, transparents, vivants de cette vie, de cette énergie qui circule, se cisèle, palpite, bouillonne éternellement depuis la Nuit des Temps, qui danse, s'élance et se donne dans cette lueur, cette lumière qui ordonne et transforme les mondes depuis l'Aube des Temps, qui jaillit de la vie infinie du Non Temps.
Ana Eis, Je Suis, Nous Sommes, fourmis humaines surhumaines, riches de cette plénitude, pauvres de ce fourmillement, ivres de cette folle lie de vivre ce Grand Dire, gravides de cet enchantement, de cet enfantement...
Divinement, il reste l'émerveillement de vivre la magie de l'Instant. « Ana Eis », Je Suis, chacun de nous ici, simples passants ces portes offertes, ces portes ouvertes, nous sommes les invités permanents de ce Présent surgi du tréfonds du Néant. Nous sommes perpétuellement « nés-en ».
Ana Eis, Je Suis, je réponds au nom de Selrach et pratique l'art qui m'est imparti...
Je célèbre l'Instant!...
Une étoile brille dans la nuit...
Quand te reconnaîtras-tu?...
au Scribe.
