NOIR & BLANC
Au commencement, Rien.
Un vide frémissant de plénitude, palpitant d'une énergie sourde, ineffable, secrète, potentialité immatérielle prête à jaillir, à se révéler.
De ce Rien où rien ne se passait, où rien ne passait, de ce Rien immuable et éternel, de cette virtualité-force, de cette force pure, de cette absolue conscience, émergea l'Idée.
L'Idée fut la création. Création de quelque chose qui se différencia de ce Rien Unique, de ce Rien Total, de ce Tout-Rien. Ce « quelque chose » était déjà l'Idée elle-même et cette idée s'enfla tellement d'elle-même qu'elle devint énorme, si grosse qu'elle déborda, s'enfanta, se répandit et accoucha d'une multitude d'idées-germes qui enfantèrent à leur tour.
D'abord vint l'idée de la lumière pour éclairer ce Rien d'où elle était issue, mais cette idée était si vive et éblouissante qu'elle enfanta l'idée de l'obscurité, pour se reposer et se rafraîchir, et cela fut.
Vint alors l'idée du clair et de l'obscur, du mouvement et du repos, de l'agitation et de la paix, d'une alternance sans fin...
Les idées fusèrent, fusèrent, et ainsi naquirent les étoiles.
Vint alors l'idée de la dispersion et du rassemblement, du désordre et de l'ordre.
Vint l'idée d'inscrire, de former, de formuler, de consigner. Cette idée fit long feu et embrasa l'univers des idées éparses qui chacune avait son avis et son reçu propre sur la question.
Alors vint l'idée du tableau, de l'écran où chaque chose pourrait s'inscrire et trouver sa place, se poser et se reposer de cette effervescence perpétuelle.
Alors la lumière s'imposa pour être le support unique de toutes choses.
Alors l'ombre s'imposa pour être le support unique de toutes choses.
Intrigué par ce fourmillement d'idées dont il était responsable, le Tout-Rien fit un tableau de lumière et trempa son doigt dans l'obscurité.
Ainsi naquit le premier Signe-germe.
Il fit ensuite un tableau d'obscurité et trempa son doigt dans la lumière.
Ainsi naquit le second Signe-germe.
Tout le reste découla tout naturellement et se dégrada très vite en dégradés et nuances infinies. Il prit les deux signes-germes et les assembla en une boule, une sphère noire et blanche qu'il s'amuse à faire tourner sans fin pour sa Joie inépuisable.
Ainsi naquit le troisième Signe-germe.
Ainsi naquit notre monde où les idées circulent tout à loisir dans une ronde incessante.
Ce fut le commencent, ou peut-être était-ce la suite?, ou déjà la fin?, du Grand Jeu, du Jeu Infini de l'Ombre et de la Lumière, le Jeu Infini des écritures où l'ombre calligraphie la lumière, où la lumière calligraphie les ombres.
Ombre se révélant sur la Lumière, lumières se révélant sur les ombres.
Ombre pénétrant la Lumière, Lumière pénétrant l'Ombre.
Idées lumières et idées ombres.
Le Tout-Rien s'amuse toujours beaucoup avec ce Jeu. Jamais Il ne s'en lasse.
Toile de lumière calligraphiée à l'encre de l'ombre.
Toile d'ombre calligraphiée à l'encre de lumière.
Rien y fait, Tout y passe.
Tout est né en ce Rien.
C'est Ainsi.
Voilà Tout!
Signe particulier : NÉANT. 
